𝑳𝒆 𝑪𝒓𝒊 𝑺𝒊𝒍𝒆𝒏𝒄𝒊𝒆𝒖𝒙 𝒅’𝒖𝒏 𝑬𝒏𝒇𝒂𝒏𝒕 𝑨𝒇𝒓𝒊𝒄𝒂𝒊𝒏 : 𝑬𝒏𝒕𝒓𝒆 𝑬𝒔𝒑𝒐𝒊𝒓 𝒆𝒕 𝑨𝒅𝒗𝒆𝒓𝒔𝒊𝒕𝒆́.

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Écrit par Edwige Mouaka

Dans les régions rurales du Cameroun, malgré la richesse naturelle des terres, de nombreuses communautés continuent de lutter pour transformer ces ressources en véritable prospérité. Cet article raconte l’histoire de Moudio, un jeune garçon vivant dans le village de Bafia, dans le département du Mbam. À travers son parcours, vous découvrirez comment la résilience, l’espoir et l’effort collectif peuvent permettre de surmonter les défis de la pauvreté et des infrastructures insuffisantes. L’histoire de Moudio nous enseigne une leçon précieuse : parfois, même au milieu de l’abondance, il faut se battre pour récolter les fruits de la vie, et ce combat nécessite à la fois un esprit indomptable et une volonté de transformation collective.

Sous le ciel bleu du Cameroun, au cœur du département du Mbam, la terre rouge de Bafia regorge de vie. Ici, tout pousse. Le manioc, le maïs, l’igname, les bananiers forment une mosaïque vibrante de vert et de rouge. Mais malgré cette abondance, la vie à Bafia n'est pas simple. Les richesses de la terre ne suffisent pas à effacer les difficultés quotidiennes. C’est dans cette réalité que grandit Moudio, un jeune garçon de douze ans, aussi déterminé que la terre rouge qu’il foule chaque jour.

Le matin, avant que le soleil ne chauffe trop fort, Moudio quitte la maison en silence. Ses pieds nus laissent de légères empreintes dans la terre humide. Il avance rapidement, traversant les champs avec l’agilité d’un enfant habitué à la vie dure du village. Aujourd’hui encore, il doit aller chercher de l’eau à la rivière Noun, car le puits du village est sec depuis plusieurs semaines. Chaque pas qu'il fait dans cette terre rouge est un rappel du poids des responsabilités qui pèsent sur lui.

En chemin, il observe les champs qui s’étendent à perte de vue. La terre de Bafia est généreuse, mais les familles peinent à transformer cette générosité en prospérité. Pourtant, Moudio ne se laisse pas abattre. Lorsqu’il atteint la rivière, il remplit son seau, le soulève avec un effort visible, puis fait demi-tour, le dos courbé sous le poids. Il sait que l’eau est précieuse, et chaque goutte compte pour sa famille et leurs cultures.

Après avoir déposé l’eau à la maison, il prend son sac d’école et se met en route, traversant les mêmes champs, mais cette fois avec une autre mission : apprendre. À l’école primaire de Bafia, Moudio n’est pas seulement un élève, il est l’un des meilleurs. Mais ce n’est pas par choix ou par ambition simple : c’est une question de survie. Il rêve de devenir ingénieur agricole pour aider son village à mieux exploiter cette terre rouge, à la rendre encore plus productive. Son cœur est rempli d'une ambition farouche, celle de ne plus voir sa famille ni ses voisins lutter malgré l'abondance qui les entoure.

Un jour, en revenant de l’école, Moudio apprend que le chef du village a réuni les habitants pour discuter d’un projet : une nouvelle route qui relierait Bafia à la ville voisine. Cette route pourrait tout changer. Actuellement, chaque saison des pluies transforme les chemins en rivières de boue, coupant le village du reste du monde. Les récoltes pourrissent souvent sur place faute de pouvoir être transportées à temps vers le marché de Bafia.

Moudio se précipite pour assister à la réunion. Sous l’ombre d’un manguier géant, les anciens discutent avec les jeunes. Les visages sont marqués par l’inquiétude, mais aussi par une lueur d’espoir. "Avec cette route, nos récoltes atteindront Bafia plus vite, et nous pourrons enfin vendre à bon prix," dit le chef du village d’une voix grave. Mais les moyens manquent. Les villageois devront tout faire eux-mêmes.

Sans attendre, Moudio se porte volontaire pour aider. Dès le lendemain, il est là, pelle à la main, travaillant avec les hommes du village pour dégager les pierres et stabiliser la terre. Chaque coup de pelle est un acte de résistance contre le destin, contre la misère qui cherche à les enfermer dans un cycle sans fin. À côté de lui, son père, fatigué mais déterminé, travaille en silence. Moudio sent cette responsabilité grandir en lui, cette mission de devenir l’homme qui saura protéger et faire prospérer ce village qu’il aime tant.

Les semaines passent, et peu à peu, la route prend forme. Mais le travail est rude, et la fatigue commence à peser. Pourtant, Moudio ne lâche pas. Il trouve dans ses rêves la force d’avancer. Il rêve de Bafia relié au monde, de camions remplis de maïs et de manioc quittant le village pour nourrir les villes. Il rêve de technologies agricoles modernes qui rendraient la vie plus facile à sa mère, à son père, à tous les paysans de Bafia.

Mais un jour, alors que la construction de la route touche à sa fin, un violent orage éclate. Les pluies torrentielles inondent les champs, emportant une partie des récoltes et menaçant de détruire la route nouvellement construite. Le cœur de Moudio se serre. Tout leur travail semble sur le point d’être réduit à néant. Mais au lieu de céder au désespoir, il se précipite avec les autres hommes pour ériger des barrières de fortune, creusant des rigoles pour dévier l’eau. Ils travaillent toute la nuit, sous la pluie battante, leurs corps trempés mais leur volonté inébranlable.

Quand le soleil se lève enfin, la pluie a cessé, et la route est sauvée. Moudio, épuisé mais soulagé, s’assoit au bord du chemin, observant la terre rouge autour de lui, transformée par leurs efforts. Il sait que ce n’est que le début. Il sait que de nombreux défis les attendent encore, mais il sait aussi qu'il n'est plus un simple enfant. Il est devenu un acteur du changement, un bâtisseur, dans un village qui refuse de céder à la fatalité.

L'histoire de Moudio n’est pas seulement celle d’un jeune garçon luttant pour un avenir meilleur. C’est celle d’un village tout entier, ancré dans cette terre rouge fertile, où la vie pousse malgré tout, où l’espoir prend racine dans chaque geste, chaque goutte de sueur. C’est un rappel que même là où les ressources sont abondantes, il faut se battre pour en récolter les fruits. Et à Bafia, Moudio est la preuve vivante que l’avenir appartient à ceux qui n’abandonnent jamais.


Remarque importante
Cet article est protégé par des droits d'auteur. Toute reproduction ou utilisation sans l'autorisation expresse de l'auteure, Edwige Mouaka, est strictement interdite.

Commentaires

  1. Écrit ponctué de véridiction !
    Très belle plume chère Edwige@

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